(Ottawa) Sur le gril des parlementaires du comité des finances, le greffier du Conseil privé, Ian Shugart, a argué que vu l’ampleur du programme de bourses, il était normal que Bill Morneau et Justin Trudeau soient parties prenantes des discussions.
« Compte tenu de l’importance de l’enjeu et […] vu l’ampleur de l’injection de fonds, jusqu’à 900 millions de dollars, je ne vois pas comment le premier ministre ou le ministre des Finances, qui est responsable des finances publiques, auraient pu ne pas être impliqués dans le développement de cette politique ainsi que son approbation », a exposé mardi le plus haut fonctionnaire de l’État.
À plusieurs reprises, il a assuré que la fonction publique a sélectionné WE Charity, ou Mouvement UNIS en français, de façon indépendante et avec « diligence », s’engageant auprès des membres du comité à fournir une série de documents, dont une copie de l’accord de contribution entre les deux parties, afin de les aider à faire la lumière sur cette affaire.
Sans dévoiler le contenu des échanges du cabinet, qui sont frappés du sceau de la confidentialité, Ian Shugart a fait écho aux propos tenus par Justin Trudeau il y a quelques jours, c’est-à-dire que le projet n’est pas passé comme une lettre à la poste. « Des ministres ont en effet soulevé des enjeux de “diligence raisonnable”, alors cette partie du processus a été suivie comme dans n’importe quel autre dossier », a-t-il soutenu.
Le greffier du Conseil privé — le ministère du premier ministre — a tenu à préciser qu’il ne « portait aucun jugement » sur la décision de Justin Trudeau et de Bill Morneau de ne pas s’être récusés des discussions du cabinet sur UNIS. La semaine dernière, le premier ministre et son grand argentier ont tous deux présenté leurs excuses de ne pas l’avoir fait.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE
Le greffier du Conseil privé, Ian Shugart.
Et alors que des reportages publiés récemment ont fait état de l’existence de difficultés financières chez UNIS, Ian Shugart a affirmé qu’« au meilleur de [sa] connaissance », personne au sein de la fonction publique n’avait levé de drapeau rouge quant à l’état des finances de l’organisme au cours du processus d’octroi du mandat.
À son avis, les liens entre le clan Trudeau et l’organisme de bienfaisance étaient du « domaine public », et cela faisait donc office de divulgation d’intérêts. Il n’était cependant pas au courant que la mère, le frère et la femme du premier ministre avaient été payés pour des discours livrés lors d’événements d’UNIS.
Le greffier a aussi signalé qu’il ignorait les liens unissant la famille du ministre des Finances Bill Morneau à l’organisme. « Je n’étais pas au courant », a-t-il souligné. L’une des filles du grand argentier est employée à contrat chez UNIS, tandis que l’autre a déjà prononcé des allocutions, pour lesquelles elle n’a toutefois touché aucun cachet.
Le comité permanent des finances en est à sa deuxième séance sur l’affaire UNIS. La semaine dernière, la ministre à qui ce dossier avait été confié, Bardish Chagger, a révélé que l’organisation aurait pu obtenir jusqu’à 43,5 millions de dollars pour ses services.
Comme il s’y était engagé la semaine dernière, le ministre Morneau présentera sa version des faits aux élus du comité des Finances. Il y sera mercredi après-midi. Ensuite, la semaine prochaine, on aura droit à une apparition très attendue, celle des cofondateurs de l’organisation UNIS, les frères Craig et Mark Kielburger.
Trudeau bombardé de questions en Chambre
Le premier ministre Trudeau, qui a également reçu un carton d’invitation du comité, n’a pas encore décidé s’il ira. Il l’a répété mardi lors de la période de questions en Chambre, mardi après-midi, lorsque son rival conservateur Andrew Scheer le lui a demandé.
Il aura fallu peu de temps avant que le chef de l’opposition ne perde patience aux Communes, reprochant à son adversaire d’utiliser la pandémie de la COVID-19 comme prétexte pour justifier ses gestes. « C’est dégueulasse et c’est dégoûtant […] Je n’ai même pas de questions. C’est juste dégueulasse », a-t-il persiflé.
Le premier ministre a riposté en regrettant qu’on s’attarde à cette affaire au lieu de poser des questions sur les programmes gouvernementaux déployés dans le contexte de la crise. À plusieurs reprises, Justin Trudeau a répété qu’il était désolé de ne pas s’être récusé des discussions du cabinet sur UNIS.